CSRD et Pragmatisme

Suite à l’adoption de la réglementation CSRD « Corporate Sustainability Reporting Directive », certaines grandes entreprises d’intérêts publics (cotées sur un marché réglementé, banques et assurances) avec un total bilan supérieur à 25 M€ ou un total CA supérieur à 50 M€ et des effectifs supérieurs à 500 salariés devront publier en 2025 un rapport durabilité sur leur exercice clos en 2024. Ces obligations s’étendront aux grandes entreprises cotées ou non cotées quel que soit leur secteur d’activité et quelle que soit leur forme juridique (total bilan supérieur à 25 M€ ou un total CA supérieur à 50 M€ et des effectifs supérieurs à 250 salariés) l’année suivante 2026 pour les exercices 2025, puis aux PME cotées à partir de 2027 pour les exercices 2026.

Cela peut être perçu comme de nouvelles contraintes réglementaires mais aussi comme le socle d’une réflexion stratégique et du renforcement d’un positionnement concurrentiel. En effet l’ensemble des parties prenantes des grandes entreprises (salariés, prestataires, fournisseurs, clients, ONG, associations) ont un regard sur l’activité d’une entreprise et sur son organisation. Nous voyons ainsi de plus en plus d’appel d’offres demander de respecter un cahier des charges sur des critères ESG (Environnemental, Social, Gouvernance). Dans le cadre des opérations de financement, l’étude des critères ESG des entreprises se développe également avec l’application de taux bonifié dans le cadre de prêt et également de meilleure valorisation dans le cadre d’entrée ou de sortie de fonds d’investissement au capital des sociétés.

Nos entreprises françaises s’accommodent et se développent toujours malgré un cadre réglementaire fort. La législation française est souvent pionnière et très contributive sur ces sujets tant au niveau environnemental qu’au niveau social, avec de nombreuses obligations : audit énergétique, diagnostic de performance énergétique, RE 2020, décret tertiaire, bilan carbone, code du travail, conventions collectives et accords de branches… Toutes ces pressions amènent nos entreprises à s’adapter et à s’organiser. Elles savent déjà faire de ces cadres une force et les transformer en atout. Il en va de même pour la réglementation CSRD et ses normes ESRS « European Sustainability Reporting Standards » (12 normes publiées : 2 transversales et 10 normes thématiques ESG). De cette nouvelle réglementation, de nouvelles opportunités peuvent émerger.

 

Comment bien se préparer à ces évolutions ?

Tout d’abord en se formant et en se faisant bien accompagner. En effet ces textes sont complexes et assez difficiles d’accès. Donc il est préférable de faire appel à des experts (cabinet de stratégie RSE, cabinet de stratégie environnementale, auditeur durabilité) du secteur pour mieux les appréhender, n’en retenir que l’essentiel sans descendre dans un détail laborieux. Le pragmatisme doit aussi être de mise. Il faut en effet garder quelques grands principes en tête dans le déploiement de cette démarche :

  • La conformité ou les explications, quand la société ne peut pas répondre à une exigence imposée par les normes alors elle doit expliquer pourquoi elle ne peut pas communiquer les informations nécessaires (non matérielles, non disponibles…) et quel process elle organise pour obtenir et fiabiliser ses informations.

  • Le principe d’amélioration continue, l’entreprise ne peut pas chercher à être conforme aux normes ESRS dès la première année, mais à l’inverse elle ne pourra pas en rester aux résultats de sa première application. En effet il ne s’agit pas un objectif ponctuel, mais d’un processus continu d'amélioration et d'adaptation.

  • Le temps de mise en place, le régulateur a prévu deux points d’assouplissement du fait de la rapidité de mises en place de cette nouvelle réglementation. Les normes prévoient des temps de mises en place de processus de collecte et de fiabilisation des informations qualitatives et quantitatives entre 1 an et 3 ans selon les thématiques et selon les normes. Les entreprises peuvent donc fiabiliser leur process avant de publier en expliquant la situation dans leur rapport de durabilité l’organisation mise en place et le délai pour arriver à fiabiliser cette organisation. La deuxième mesure d’assouplissement est le fait que l’auditeur durabilité devra certifier le rapport durabilité avec un niveau d’assurance limitée jusqu’en 2028 permettant ainsi la mise en place d’une démarche d’amélioration continue. A partir de 2028, le niveau d’assurance demandée à l’auditeur durabilité sera un niveau d’assurance raisonnable, similaire à celui mis en œuvre dans le cadre de la certification des états financiers des sociétés disposant d’un commissaire aux comptes.

 

Pour entrer dans la phase opérationnelle de mise en place de son reporting de durabilité, l’entreprise va devoir réaliser un état des lieux. Celui-ci sera réalisé au regard des informations attendues par les normes et les parties prenantes. Dans ce cadre, la réflexion va se porter sur les bonnes pratiques en matière :

  • Environnementale, avec des exemples tels qu’une politique d’achat responsable, des plans de déplacements des employés afin de limiter les émissions du fait de recours aux transports, des investissements pour la réduction de consommation énergétique des locaux ou des actifs ;

  • Sociale, avec des mises en lumière des conditions de travail, d’aménagement du temps de travail, de formation pour acquérir de nouvelles compétences ;

  • de Gouvernance, avec la mise en place de règles éthiques et de parité 

Suite à cet état des lieux, il sera nécessaire d’identifier les écarts vis-à-vis des attentes des normes (gap analysis) et de définir les thèmes et informations matérielles que ce soit en termes d’impact de durabilité ou d’un point de vue financier (double matérialité). La vision et la connaissance de l’entreprise du commissaire aux comptes en tant qu’auditeur durabilité permettra à l’entreprise d’avoir un regard extérieur et indépendant vis-à-vis de :

  • son secteur d’activité et son environnement concurrentiel,

  • les obligations et possibilité offerte par le cadre réglementaire et le corpus normatif,

  • l’identification des impacts et opportunités, des sujets matériels,

  • la définition des politiques, des objectifs et des actions,

  • les processus mis en place de mesures et de suivi des indicateurs clés.

Ce processus offre à l’entreprise la possibilité de se reposer sur sa stratégie et la projeter à long terme en ayant deux maîtres mots à l’esprit :

  • Adaptabilité, car les entreprises doivent composer avec des environnements de plus en plus complexes et faire face à de nombreuses crises qui ont des répercussions sur les effectifs, sur les approvisionnements, sur leurs clients, et parfois même sur leurs propres propositions de valeurs avec des remplacements / substitutions d’offres ou de produits.

  • Durabilité, car les entreprises doivent se projeter à 3 / 5 / 10 ans ou plus et se poser la question de la possibilité de continuer à exercer leur mission tel qu’elles le font aujourd’hui ou changer du fait de ressources qui ne seront plus disponibles ou trop coûteuses.